Je dois te présenter quelqu'un ✗ Cole

- Merci de m'avoir gardé Nick, je te revaudrais ça.

- T'en fais pas, c'est pour toutes les fois où tu as gardé mes monstres !

En riant, Lucy venait de déposer les sacs sur le plan de travail de la cuisine après avoir papoté quelques secondes avec sa grande sœur. Elle avait laissé Nicholas aux bons soins de Kathryn, juste le temps de faire les courses de la semaine pour remplir le réfrigérateur et prendre deux trois ensembles pour son fils. Il était tellement mignon qu'elle ne pouvait s'empêcher de lui acheter des fringues, même s'il ne rentrait pas longtemps dedans tellement il grandissait vite.

Kathryn était mariée et avait deux enfants de cinq et deux ans, ce qui était une bonne chose pour le petit Nick quand il serait plus grand. Il fallait dire que niveau cousins et cousines, il était plutôt servi. Les enfants de sa sœur n'était qu'un cinquième de la nouvelle génération de la famille Scott. Les deux jeunes femmes continuèrent à discuter jusqu'à ce que Kathryn prenne congé, emmenant avec elle ses deux enfants.

Attrapant son fils sous les bras, Lucy le serra contre elle et lui sourit, s'attirant un sourire radieux en retour. Le petit garçon était très éveillé et épanoui, ce qui commençait un peu à provoquer son angoisse quand elle pensait à ce qui allait bientôt arriver d'ici une petit heure.

Cole était rentré de son voyage de deux ans à l'étranger. Il lui avait manqué plus que de raison mais vu comment les choses s'étaient passées la dernière fois qu'ils se sont vus, Lucy grimaçait en pensant que ça n'irait pas en s'arrangeant. Elle aurait voulu le tenir au courant de sa grossesse et de la naissance de Nicholas... Le problème, enfin les problèmes venaient de plusieurs points : Cole n'avait pas envie de s'engager, au bout de plus de dix ans de relation vide de sens, la jeune femme l'avait bien compris; une naissance ne s'annonçait pas par mail, par lettre ou par téléphone, ça se disait en face; et puis légalement parlant, son ex-compagnon n'avait aucun droit sur Nicholas tant qu'il ne le revendiquait pas...

Et c'était bien ce qui lui faisait peur aujourd'hui. Lucy avait peur que Cole veuille appliquer son droit paternel, lui enlevant de ce fait le bonheur qu'elle avait eu à veiller sur son fils et à le voir grandir. Et puis quel avenir son père pourrait lui offrir ? À être tout le temps absent, par monts et par vaux, pour les besoins de son boulot... Ce n'était pas une vie pour un petit garçon. Un enfant avait besoin de stabilité au début de sa vie pour devenir par la suite un adulte accompli.

Mais Cole avait également le droit d'être au courant. Lucy n'aimait pas cacher des choses aussi importantes, surtout à lui. Les messages sur son répondeur de la cousine de son ex n'étaient pas non plus pour l'aider à garder confiance en elle... Enfin, elle n'avait jamais pu blairer Jerrica et c'était bien réciproque. Il était d'ailleurs étonnant que cette dernière ne l'ait pas balancé à Cole.

Enfin, peu importait. Il allait bientôt arriver et le temps de discuter allait venir. Mais avant cela...

- Aller mon chéri, c'est l'heure de la sieste ! Fais-moi un gros bisou !

Après le câlin rituel d'avant la sieste, la jeune maman coucha le petit garçon dans son berceau avant de le recouvrir d'un drap léger. Sa chambre était maintenue à bonne température, ce qui lui évitait de trop le couvrir sans qu'il tombe malade. Lui caressant la joue alors que Nicholas n'avait pas tardé à sombrer dans le sommeil, Lucy finit par redescendre dans la cuisine afin de terminer de ranger les courses.

Une fois la corvée accomplie, elle s'installa au salon devant la télévision, la regardant sans la voir, réfléchissant à la manière d'annoncer à Cole que son fils dormait à l'étage...

Au volant de sa voiture, Cole roulait vers Old Town et Flanders Street, là où habitait Lucy désormais. Dans le mail qu'elle lui avait répondu, elle lui avait dit qu'elle devait lui présenter quelqu'un. Elle avait déménagé... ce ne pouvait être que son petit ami qu'elle voulait lui présenter ! Qui d'autre ?

De retour d'Europe depuis quelques jours, Cole peinait à retrouver ses marques. Il correspondait avec Maggie, à Paris, plusieurs fois par jour. Se soutenant mutuellement, les deux reporters tentaient de remonter la pente. Mais ce qu'ils avaient vécu tous les deux en Irak, serait difficile à surmonter. Alors apprendre en plus que Lucy avait refait sa vie, le mettait en rage. Il avait failli balancer son ordinateur par la fenêtre de son appartement quand il avait lu le mail la veille. Et même encore maintenant, ses mains étaient crispées sur le volant.

Il entendit soudain klaxonner derrière lui. Jetant un oeil dans le rétroviseur, il vit le conducteur de la voiture derrière lui s'énerver. Cole remarqua alors que le feu était vert et il avança en faisant un doigt d'honneur à l'excité derrière. Le type accéléra et le doubla comme une furie et lui rendant son geste, puis fila comme l'éclair devant lui. Cole eut un rire en se rendant compte du ridicule de la situation. Ce n'était pas le genre de chose qu'il faisait auparavant, avant de partir en Irak. Il était d'une nature plutôt calme et posée, malgré le fait qu'il aimait beaucoup bouger. Comme quoi, une semaine prisonnier pouvait changer beaucoup de choses...

Il arriva enfin devant chez Lucy, vérifiant l'adresse qu'elle lui avait donné et qu'il avait noté sur un bout de papier, et le numéro devant lequel il se trouvait. Il gara l'hybride sur une place libre et sortit en mettant sa veste. C'est qu'on était encore en hiver et la température n'était pas bien haute. Le retour à Portland était un dur retour à la réalité.

Avançant vers la porte de la maison de Lucy, il sentit son estomac se nouer, ses mains trembler et devenir légèrement moites. Il les essuya sur le côté de son jean et respira profondément. Lucy et lui se connaissaient depuis longtemps, pourquoi stressait-il comme si c'était leur premier rendez-vous ? Peut-être redoutait-il sa propre réaction quand la jeune femme lui présenterait son nouveau partenaire.

Il prit de nouveau une profonde inspiration avant d'appuyer sur la sonnette, et attendit qu'on vienne lui ouvrir.

- J'arrive.

Ayant littéralement sauté du canapé comme un ressort, Lucy tentait en vain de calmer les soubresauts de son cœur. Tellement concentrée qu'elle était au moindre bruit qui lui ferait comprendre que Cole était devant la porte, elle n'avait finalement rien entendu et avait sursauté lorsque la sonnette avait retenti dans le silence de la maison.

Pour la première fois depuis deux ans, la jeune femme était fébrile et inspirait vivement devant la porte, pour se donner une apparence plus détendue alors que chaque muscle de son corps était crispé dans l'attente. Stressée comme jamais en pensant à la discussion qui allait avoir lieu, elle finit par poser la main sur la poignée de la porte et l'ouvrit d'un geste un peu brusque.

Il était là, devant elle, beau comme jamais dans son allure décontractée, et elle eut l'impression de retomber amoureuse pour la énième fois... Sauf que ce n'était pas possible.

- Salut. Je t'en prie, entre.

Repoussant la porte en grand pour le laisser passer, Lucy reprit de nouveau une autre inspiration mais plus discrète cette fois-ci. Il ne fallait pas que Cole voit à quel point elle était tendue, même si elle pensait bien que c'était inutile... Ne se connaissaient-ils pas depuis plus de dix ans ? Cole lisait en elle comme dans un livre ouvert mais la réciproque était parfois difficile tant il pouvait être énigmatique.

- Tu veux un café ?

Partant vers sa cuisine en lui faisant signe de la suivre, Lucy se félicitait encore de la tenue qu'elle avait décidé de mettre aujourd'hui : une salopette en jean large avec un gros pull à col roulé en laine bleu par dessus. Ses longs cheveux lisses et noirs étaient reliés en natte et elle ne portait aucun bijou. Depuis la naissance de Nicholas, elle évitait de porter des colliers ou des boucles d'oreilles trop faciles à enlever car le petit garçon avait tendance à attraper tout ce qu'il pouvait pour le porter à la bouche.

En versant l'eau dans la bouilloire, la jeune femme alluma un brûleur de la gazinière et laissa l'eau chauffer, tout en préparant deux tasses avec la boîte à sucre et un petit pot de lait, elle n'aimait que le café au lait. Le silence était un peu pesant, pas du tout naturel, et elle avait du mal à trouver un sujet de conversation léger pour ne pas plonger tout de suite dans le dramatique.

- Comment vas-tu ?

Ce fut la seule question qu'elle pouvait penser pour le moment. Elle ne voulait pas trop demander ce qui s'était passé pendant ces deux dernières années, elle savait juste qu'il était parti en Irak mais ne voulait pas savoir ce qu'il y avait vécu... Du moins, sauf s'il souhaite le lui dire. Cole et Lucy avaient toujours été très liés, même avant qu'ils ne soient un couple. Ils avaient pris l'habitude de tout se dire... Jusqu'à ces deux dernières années du moins.

La jeune femme ne se sentait pas en droit de demander des détails sur ce qu'il ne souhaitait peut-être pas évoquer. Alors elle se contenterait d'une simple conversation banale. Si Cole voulait en dire plus ou en demander plus, cela viendrait de sa propre initiative...

Il perçut sa voix à travers la porte et son coeur battit plus fort encore. Mais c'est quand il la vit au moment où elle lui ouvrit la porte qu'il dû réprimer sa première envie, de la prendre dans ses bras et de l'embrasser. Il avait tellement eu peur de ne jamais la revoir, de ne plus jamais la serrer dans ses bras ! Mais il se contint, à l'affût du moindre baraqué à l'horizon.

-Salut. Fut le seul mot qu'il pu prononcer quand elle l'invita à entrer. Il se retint de venir l'embrasser, même sur la joue, trop effrayé à l'idée que ce ne soit qu'un rêve, et qu'il se réveille là-bas, en plein enfer. Il la suivit alors à la cuisine, zieutant l'intérieur de la maison. Mais il n'y avait aucun signe de qui que ce soit d'autre dans la maison, mis à part des cadres photos, trop loin pour apercevoir de qui il s'agissait.

Lucy lui posa une tasse devant lui, tout en préparant le café dans un silence gêné. Cole l'observa s'affairer à la tâche. Elle était habillée simplement, peu maquillée et ne portait aucun bijou. Arquant légèrement un sourcil, surpris, il se fit la réflexion que finalement, il s'était peut-être inquiété pour rien, qu'il n'y avait personne dans la vie de Lucy. C'était une femme qui prenait toujours soin d'elle et qui était toujours apprêtait... Elle était belle au naturel et c'est comme ça qu'il la préférait, mais là, ça sonnait différemment. La question lui brûlait les lèvres, mais il se retint.

Il leva le regard vers elle quand elle lui demanda comme il allait. c'était une question qu'on lui posait régulièrement depuis son retour et à laquelle il ne savait pas répondre, pour la simple et bonne raison qu'il ne savait pas lui-même comment il se sentait. L'information de son enlèvement et de celui de ses collègues français n'étaient pas paru au journal télévisé, et ils n'avaient même pas eu droit à la moindre ligne dans les journaux parisiens. Seuls ses patrons avaient été informés après coup. Mais il n'avait pas vraiment envie de parler de ça. Il voulait savoir qui Lucy voulait lui présenter.

-Ça va, merci. Je suis content d'être rentré. Tu m'as manqué.

Il tendit sa tasse quand la jeune femme revint avec le café et enserra la tasse chaude de ses deux mains. Puis il regarda de nouveau Lucy.

-Et toi, tout va bien ? Tu disais vouloir me présenter quelqu'un. Est-ce que... Est-ce qu'il y a quelqu'un dans ta vie ?

Voilà, c'était dit. les mots étaient sortis. Cole ne se sentit pas soulagé pour autant. Ne pas savoir lui était insupportable. Lui qui était toujours à la recherche de la moindre infirmation, être dans l'ignorance l'agaçait. Il était loin d'imaginer ce que Lucy avait à lui révéler...

*Tu m'as manqué...*

Ces mots lui serrèrent le cœur. Cole lui avait tellement manqué aussi, mais est-ce que cela voulait dire qu'elle devait accepter qu'il parte deux années entières sans états d'âme et qu'elle passe sa vie à l'attendre ? Non. Lucy n'était pas prête pour ça. Elle avait besoin d'une présence auprès d'elle, de quelqu'un sur qui elle puisse vraiment compter, pas quelqu'un qui joue les filles de l'air quand ça lui chante.

Buvant une gorgée de café au lait pour éviter de lui répondre, la jeune femme avisa le baby-phone que Cole n'avait pas vu sur le comptoir de la cuisine et qui était allumé, dans le cas où Nicholas viendrait à se réveiller, qu'elle puisse monter aussi vite que possible pour le rassurer. Cole lui posa une question, tout à fait légitime compte tenu de la situation. C'est vrai qu'elle n'avait pas fait gaffe au sens de son mail quand elle le lui avait envoyé...

- Oui, on peut dire que j'ai quelqu'un...

En se mordillant la lèvre inférieure, Lucy fuyait le regard de Cole. Bon, autant prendre le taureau par les cornes et ne plus tergiverser cent sept ans. Le meilleur moyen de mettre les choses à plat était carrément de lui montrer. Se levant de sa chaise, elle inspira de nouveau pour se donner du courage.

- Je vais le chercher. Reste ici, je n'en ai pas pour longtemps.

Montant les escaliers d'un pas de course, Lucy ne s'arrêta pas pour réfléchir. Entrant dans la chambre d'enfant, elle vit que Nicholas était en fait parfaitement réveillé et qu'il mordillait son hochet. C'était étonnant qu'il ne hurle pas, vu qu'il commençait à faire ses dents et que ça devait lui faire un mal de chien... Mais là, il sourit à sa mère qui ne put s'empêcher de lui voler un bisou sur la joue en se penchant pour le prendre contre elle.

Prenant quelques secondes avant de redescendre, elle voulait tout de même lui dire, même s'il était encore trop petit pour comprendre, et encore trop petit pour s'en rappeler plus tard...

- Ton papa nous attend dans la cuisine. Tu verras, il est très gentil. Je suis sûre qu'il va t'adorer... De toute façon, qui ne t'aime pas ?

Enfouissant son visage dans le cou du petit bonhomme, Lucy lui fit plein de bisous chatouilleux, ce qui poussa Nicholas à rire. Puis elle redescendit dans la cuisine, le bambin dans les bras. Inspirant une dernière fois, elle finit par pousser la porte.

- Cole, je te présente Nicholas, notre fils.

Lucy se doutait qu'elle venait de lui filer un sacré choc, donc elle se contenta de serrer le petit contre elle. Elle se tenait prête pour toutes les questions qui ne manqueraient pas de surgir de la bouche de Cole mais pour le moment, elle demeura muette et resta à le fixer, essayant de deviner de quel côté ses émotions allaient pencher...

La réponse de Lucy tomba dans l'esprit de Cole et ce fut comme un coup de poing en pleine figure. Bien sûr qu'elle avait quelqu'un ! Comment une femme aussi belle et intelligente et gentille pouvait-elle rester seule longtemps ? Ils s'étaient séparés juste avant son départ, et il n'avait jamais été question qu'elle l'attende. De toute façon, à l'époque, il ignorait pour combien de temps il serait envoyé en Europe. Il n'était même pas question d'aller en Irak en plus, pas dans ces conditions. Mais il n'avait pu refuser, une fois sur place. Ça aurait dû être le reportage de sa vie. Finalement, ça n'avait que fallu lui coûter la vie. Et revenir à Portland entier mais sans espoir de reconquérir la femme qui l'aime, c'était un coup dur aussi, et il ne savait pas trop comment réagir.

Il n'aurait pas dû venir. Il n'aurait jamais dû revoir Lucy chez elle, dans son intimité, chez un étranger. Il n'était pas sûr de pouvoir supporter la vision de Lucy avec un autre homme que lui.

Lucy se leva et dit aller chercher son compagnon. Sur le coup, Cole se demanda s'il ne devait pas partir, avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'il s'emporte et qu'il dise ou fasse des choses qu'il regretterait. Mais au moment où il se mit debout et qu'il tendait la main vers sa veste, la voix de Lucy lui parvint à côté de lui, grésillante, comme dans un appareil. Tournant la tête, son regard se posa sur le babyphone qu'il n'avait pas vu jusque là. Il écarquilla plus les yeux quand il entendit les paroles de Lucy et resta immobile, respirant à peine. Sa gorge se noua en entendant les rires de l'enfant à travers le babyphone. Mais il n'osa croire ce qu'il entendit. Ce n'était pas possible.

Il ne bougea pas plus quand Lucy revint dans la cuisine, l'enfant dans les bras. Il écouta sa voix si douce, et les mots qui lui parvinrent, comme dans un brouillard. Il pouvait encore partir, sans se retourner, sans poser les yeux sur cet enfant qu'il n'a pas voulu, qu'il n'a encore jamais vu. Ce qu'on ne connait pas ne nous manque pas. Il expliquerait à Lucy qu'il est désolé, qu'il ne peut pas, qu'il n'est pas prêt pour ça...

Il déglutit bruyamment, sa gorge encore serrée par les émotions qui le submergeaient. Il aimait Lucy au plus profond de son être ; il était persuadé que la jeune femme est son âme soeur et qu'ils étaient faits l'un pour l'autre. Cet enfant n'était pas un obstacle. Il n'était que l'aboutissement d'un amour profond.

Cole finit par se retourner et son regard croisa celui du garçonnet qui le fixait. Nicholas lui sourit et Cole retrouva la même fossette que lui, sur le côté de ses joues. Le reporter ne peut résister et sourit en retour à son fils. Mais la nouvelle était encore difficile à avaler. Ses jambes se dérobèrent sous lui et il tomba assis sur la chaise derrière lui, en même temps qu'il retrouva son souffle. Ses yeux humides reflétèrent toute l'émotion qu'il ressentait en ce moment. Mais les mots peinaient à sortir.

-C'est... Comment... c'est possible ? Tu... Tu étais enceinte quand je suis parti ? Demanda-t-il d'une voix faible, à peine perceptible en regardant de nouveau Lucy. Puis il reporta son regard sur son fils, comme la neuvième merveille du monde, un cadeau inestimable.

La jeune femme était vraiment stressée. Mais beaucoup. C'était difficile pour elle de révéler enfin ce grand secret qui ne cessait de peser chaque jour un peu plus sur sa conscience. Elle n'avait jamais menti à qui que ce soit, encore moins à Cole, alors avouer aujourd'hui l'un de ses plus gros secrets, c'était apaisant mais en même temps, un grand vide régnait dans sa tête. Impossible pour elle d'imaginer un brin de réaction.

Et pourtant, Lucy ne quittait pas Cole des yeux, le voyant peiner à respirer et à ne pas prendre la porte directement. Il se rassit lourdement sur sa chaise et ne put cependant s'empêcher de sourire à Nicholas, qui lui souriait de son air innocent. Le petit garçon n'était pas sauvage du tout et pour lui, tout le monde avait droit à un sourire ou un geste tendre. Il tendit les bras à son père comme s'il avait eu un éclair de reconnaissance.

- Je ne l'ai su que quelques semaines après ton départ. Et je ne voulais pas t'avertir par téléphone ou par mail. Je ne voulais pas que cela t'empêche de travailler.

Lucy n'était pas stupide. Elle savait à quel point son boulot de journaliste comptait pour son ex-compagnon et ne voulait pas être une gêne, mais plus encore, elle ne voulait pas que son fils en soit une non plus. Et annoncer une telle nouvelle, ce n'était pas quelque chose qu'on pouvait dire comme ça, à la légère. Un évènement de ce genre n'était pas à déclarer avec insouciance.

Voyant Nicholas réclamer un peu plus que Cole le prenne dans ses bras, la jeune femme finit par sourire, tellement attendrie par son fils.

- Tu veux le prendre ?

Puis Lucy lui déposa directement Nicholas dans les bras. Ils pouvaient désormais commencer à apprendre à se connaître. Et peut-être que cette obstination pour le voyage allait pouvoir se tarir un peu ? Arriveraient-ils à repartir sur de bonnes bases ? Ou alors l'existence de son fils ne changerait rien du tout à la vie que Cole s'était finalement choisi sans elle, car il avait fait un choix entre Lucy et son emploi, ce que la jeune femme regrettait bien amèrement.

Prenant les tasses pour les mettre dans l'évier, elle essuya une larme solitaire qui s'était évadée de son œil, se sentant un brin intruse dans ces retrouvailles inattendues. Nicholas avait l'air si heureux dans les bras de son père, mais elle avait beaucoup de mal à ne pas fondre sur eux pour arracher son fils et le serrer jalousement contre elle.

- Si tu veux t'impliquer dans sa vie, je te laisserai faire. Mais tu n'as pas intérêt à le décevoir.

Et c'était les paroles d'une mère prête à tout pour son enfant. Personne n'avait le droit de lui faire du mal, même sans le vouloir. Pareille à une lionne sur-protectrice, Lucy ne permettrait jamais qu'on touche un seul des cheveux de Nicholas, ni qu'on lui fasse des promesses sans jamais les tenir...