Vous avez dit Stephenie Meyer ? Connais pas... ✗ Phil

Loooongue journée ! Il était plus que temps qu'elle se termine, et quoi de mieux que d'aller au Rhymes ? C'était peut-être son endroit préféré dans tout Portland ! On pouvait y boire un café en tout en dévorant un bouquin, tranquillement installé à une table sans se voir déranger toutes les cinq secondes par des enfants un peu trop turbulents.

C'était le petit plaisir de Lucy de se rendre dans ce café-librairie tenu par Phil Andersen, un homme qu'elle avait appris à connaître et à apprécier au fil des mois où elle avait découvert cette charmante boutique. Surtout qu'elle venait d'être refaite à neuf depuis pas longtemps, ça lui donnait un cachet fou. Alors c'est avec un certain entrain que la jeune femme s'y rendit après sa journée de boulot.

Il fallait dire qu'elle adorait son métier d'institutrice, elle ne l'avait pas non plus choisi au hasard. Être avec les enfants, leur apprendre des choses, des notions comme la lecture, l'écriture, le respect des êtres et des choses, ça n'avait aucun prix similaire. Il n'y avait rien de plus stimulant que ce défi permanent d'aider les petits à progresser pour les préparer à leur future vie d'adulte. Et c'était ce genre de vie qu'elle avait choisi... Il ne lui manquait que le côté amoureux pour qu'elle soit pleinement satisfaite mais ça, c'était une question de temps, comme elle se plaisait à se le répéter tout le temps.

Depuis que son ex était parti parcourir le monde, elle n'avait eu que quelques flirts sans vraiment d'importance et se contentait de vivre sa vie sans s'attacher plus que ça. Comme on disait : chat échaudé craint l'eau froide... Et donc, sa vie se résumait au néant au niveau sentimental, mais ça lui convenait très bien pour l'instant. Lucy ne cherchait pas véritablement à se caser. Aller savoir pourquoi elle pensait à ça maintenant, sa sœur Kathryn lui disait qu'elle réfléchissait trop, c'était sûrement vrai...

Se secouant la tête pour s'enlever ces pensées de la tête, la jeune femme finit par pousser la porte du café qu'elle avait rejoint en un temps records, s'abritant du vent impressionnant qui venait de se lever. Apercevant Phil, elle lui sourit.

- Salut Phil ! Comment va ?

Se recoiffant correctement, elle s'avança d'un pas énergique. Engoncée dans ses fringues de ville, un jean clair avec un tee-shirt à manches longues bicolores, elle fouilla dans son sac quelques secondes afin d'y prendre son portable qui venait de vibrer, l'ouvrant dans la foulée et répondant à un texto de sa meilleure amie.

- Alors ? Qu'est-ce que tu racontes de beau ? Tu as reçu quoi ces derniers temps ?

C'était devenu une habitude : quand elle arrivait après plusieurs jours sans être passé à la boutique, Lucy lui posait toujours la question sur l'arrivage de bouquins pour faire le plein, arrivant rapidement à l'épuisement de son stock de livres personnels sur sa table de chevet...

Le petit silence qui se répandait au moment où les gens plongeaient le nez dans leurs livres était devenu le nouveau plaisir de la vie de Phil depuis que la boutique avait été refaite. C’est vrai que cela faisait un bout de temps qu’il pendait à transformer son petit endroit en quelque chose d’encore plus chaleureux, dépoussiérer les livres dans le fond, leur donner une nouvelle jeunesse en les posant sur des consoles, les mettant à la vue des personnes qui viendraient s’enfoncer dans les fauteuils défoncés mais moelleux. Les fauteuils de grand-mère qu’il aurait été récupéré.
Il eut un petit sourire quand il se rappela qu’il avait eu de la chance d’apprendre que le magasin à côté fermait ses portes. Une nouvelle opportunité, un emprunt à la banque avec un plan de fonctionnement, comment il ferait ses investissements et comment il s’occuperait de l’intendance. Ce n’était pas comme s’il passait assez de temps dans cet endroit.

La sonnerie du four se fit entendre, lui faisant reprendre ses esprits. Quelques têtes se levèrent pour voir où était Phil et ne pas laisser les cookies brûler. Il avait bien fait de piquer cette recette à son père, ces petits gâteaux faisaient sensations accompagnant le thé qu’il proposait ensuite. La douce odeur de sucré s’empara de la cuisine, il ferma la porte pour éviter que les livres les plus proches ne s’imprègnent de l’odeur, même si ça ne devait pas être si désagréable que ça. Il sortit les biscuits et les laissa refroidir sur un coin du plan de travail. De l’eau était en train de bouillir et était à deux doigts de déborder. Il éteignit le feu et sortit la boîte de thé.

Les petits murmures des clients quand il approcha avec sa théière l’emplirent de satisfaction. Il s’étira un sourire sur ses lèvres et prévint que les cookies arriveraient dans la foulée, le temps qu’ils refroidissent. Le carillon de la porte s’ébranla et et quelques pages des livres ouverts se tournèrent d’elles-mêmes. Les quelques personnes qui étaient là ne relevèrent même pas la tête et poursuivirent leur lecture, trempant leurs lèvres dans le thé fraichement servi. Phil accorda son attention à la nouvelle arrivant et quand il s’aperçut que ce n’était personne d’autre que Lucy, il posa directement la théière et l’invita à le rejoindre avant de lui serrer chaleureusement la main.
« Je vais bien et toi ? Il me semble que tu as bonne mine aujourd’hui. » Il s’interrompit le temps qu’elle réponde à son téléphone puis lui narra ses dernières aventures, quand cette personne lui acheta toute une collection de livres et qu’elle n’arrivait même pas à la porter ou quand il avait accueilli une vieille dame qui semblait toute défaillante devant sa porte.
« Le temps de Portland ne semble faire de cadeaux à personne. Pas même toi ! » Il lui montra en souriant, quelques mèches de ses cheveux qui faisaient comme bon leur semblait.
« Oh, j’espère que tu as tout ton temps, il y a un nouvel arrivage de romans. J’ai fini d’en lire un hier soir et bien qu’il semble un peu fantastique, je te jure que le fond est génial ! C’est une sorte de triangle amoureux, avec un peu de romance, de morts. Et le style de l’auteur est génial ! On a vraiment l’impression de se plonger aux côtés du personnage principal. Y’a un peu de mythologie dedans aussi, une sorte de course secrète, mais je ne vais pas t’en dire plus ! Tu veux que j’aille te le chercher ? Ah, aussi, les cookies viennent juste de sortir du four ! »

Il la fit asseoir sur un fauteuil et repartit s’occuper des biscuits. Phil s’arrêta devant eux et apprécia leur forme. Il étaient parfaitement ronds, dans la lumière de la fenêtre qui venait se déposer sur eux, un mince filet de vapeur s’échappait encore au dessus, comme si la lumière leur conférait un peu d’âme. Phil en décolla un pour le goûter et le mit dans sa bouche. Le croustillant du dessus qui commençait à refroidir rencontra ses dents, ressentant le besoin de casser cette croûte pour accéder au cœur, il mordit dedans pour atteindre la partie regorgeant de pépites de chocolat. Elles vinrent fondre sur sa langue, comme autant de comètes qui essayaient de percer leur chemin jusqu’à la terre, mais se désagrégeaient en entrant dans l’atmosphère. Seuls les petits morceaux arrivaient jusqu’à ses papilles, se fondant avec le gâteau.
Ses yeux se fermèrent d’eux-mêmes quand il mâcha, broyant le tout, en faisant un ensemble de particules sucrées qui vinrent tomber dans son estomac satisfait.
Il attrapa le bocal en verre et les glissa un à un dedans, puis vint le poser sur le comptoir. Il attrapa une serviette en papier, la posa sur un plateau, alla chercher avec une pince, un cookie et le posa sur la serviette puis remplit une tasse de thé. Le plateau habituel de Lucy en somme, qu’il vient poser sur la console attenante à son fauteuil. Il s’assit sur l’accoudoir.
« Et toi, quoi de neuf, les petits sont pas trop chiants à l’école ? »

Au moment où elle poussa la porte, un léger sentiment de soulagement comme un soupir avait envahi Lucy. Il fallait dire que cette librairie était en quelque sorte son refuge quand elle ne se trouvait pas chez elle, bien à l'abri dans sa maison... Non pas qu'elle était mal à l'aise à l'extérieur ! Mais c'est toujours plus rassurant de se trouver dans des endroits qu'on affectionne... The Rhymes était un de ces endroits préférés et pas seulement pour les mines d'or en terme de bouquins qu'il recelait.

Le propriétaire de la boutique aurait pu être son grand frère... Enfin, elle voyait Phil comme ça, une sorte de grand frère en plus du sien propre, toujours aux petits soins, à lui demander s'il lui fallait quelque chose, à parler avec elle de tout un tas de sujets aussi bien sensibles que futiles... Bon, c'était aussi une technique de vente, Lucy n'était pas non plus cinglée. Mais Phil avait un bon fond et était très à l'écoute de ses clients, ce qui instaurait une relation amicale.

En s'installant sur le fauteuil avec un petit sourire franc, les yeux de la jeune femme se mirent à briller en voyant le cookie arriver avec une tasse de thé fumante. Il savait qu'elle adorait les sucreries.

- Merci ! Moi ça va, les petits ne sont pas trop turbulents en ce moment, j'ai de la chance. Et ce temps est en train de me rendre folle ! Je ne peux même plus faire un pas sans que mes cheveux ne s'envolent dans tous les sens !

Mordant dans le cookie qui venait juste de sortir du four, Lucy ne put s'empêcher de laisser échapper un soupir de bonheur, tout en tentant désespérément de démêler ses longs cheveux noirs.

- C'est quoi le titre ? Tu crois que je peux commencer à le lire ici ?

Avec des yeux tous mignons et brillants. C'était devenu une sorte de jeu entre eux. Quand Phil lui parlait d'un livre qui pourrait fortement l'intéresser, la petite brune lui souriait d'un air angélique afin de le convaincre de la laisser lire un peu avant de l'acheter si le style lui plaisait. Ce qu'elle faisait d'ailleurs la plupart du temps maintenant, puisque Phil connaissait ses goûts en matière de littérature.

Reprenant un morceau de cookie entre les dents, elle soupira de nouveau tellement le goût était délicieux.

- Tu es sûr de ne pas vouloir me donner la recette de tes cookies ? Les miens ne sont pas aussi bons... À moins que tu utilises la magie, ce dont je serai incapable !

En riant légèrement de sa propre bêtise, Lucy prit sa tasse de thé avec précaution afin d'en boire une gorgée. Et la saveur du thé se mélangea subtilement à celle du cookie, c'était un délice...

- Je sais pas si tu en as entendu parler... Il paraît qu'une vague de folie est en train de submerger Portland... Ça a l'air sérieux. Bon, ce n'est pas une épidémie mais cinq cas de psychopathie en une semaine, ça fait lourd.

C'était sur le journal local, un document assez sérieux qui ne diffusait pas ce genre d'informations dans le but de vendre un maximum. Il était surtout réputé pour la véracité de ses articles. Alors pour qu'un tel évènement soit mis à la une, c'est que l'affaire devait être sérieuse. Mais en parlant d'une telle chose, Lucy avait baissé la voix pour ne pas se faire entendre des autres bouquineurs.

- Honnêtement, je me méfierai maintenant. T'imagines ? Tu te balades tranquillement dans la rue et un fou te saute dessus sans crier gare... Brrr ! Ça fait froid dans le dos !

Avec un frisson, la jeune femme finit par boire de nouveau son thé et termina son cookie en se frottant les mains sur sa serviette en papier afin d'en ôter les miettes.

Il la regarda dans les yeux reprenant directement un air sérieux. « Les lire maintenant ? Tu es sûre de toi ? »
Oh oui, il affectionnait jouer avec elle, une sorte de petite chose qu’il aimait tourmenter. Qui aime bien, châtie bien devait être sa devise quand cela se rapportait à Lucy. Dans la seconde qui suivit, il se dérida pour se retourner vers son comptoir et fouiller derrière celui-ci. Une seconde plus tard, il ressortit avec un livre entre les mains. Ledit livre que Lucy lui demandait, il le brandit triomphalement devant elle comme un cadeau de la plus haute importance. « Tiens, bien sûr que tu peux le lire tout de suite, sinon je ne t’en aurais pas parlé ! » Il vit son sourire s’épanouir sur son visage. Il avait vraiment du plaisir à traiter avec une cliente pareille. Elle le taquina sur ses cookies, en lui demandant la recette. Ce n’était pas la première fois, et ça le faisait toujours autant sourire. Il la regarda avant de faire un grand non de la tête. « Et même si c’était une question de vie ou de mort, je ne te donnerais pas une partie de mes pouvoirs magiques ! Je suis arrivé jusqu’ici avec de l’entrainement de l’auto-discipline voyons ! » Il rit avec elle avant de voir qu’elle reprenait son air sérieux. Que se passait-il donc pour qu’elle reprenne cet air qui le dérangeait au plus haut point, comme si des soucis s’accumulaient sur elle, qui s’amoncelaient comme des nuages avant l’orage. Il suivit la tendance, en fronçant les sourcils. Qu’est-ce que ce visage aux tendances asiatique avait de soucieux ? Que lui valait l’horrible affront de ces ridules d’inquiétudes qui parcoururent son front ? Elle exprima son souci, hésitante, dans l’incertitude de la réponse que ses paroles allaient provoquer peut-être ? Dans l’attention de bien choisir ses mots ?
Malheureusement, lui aussi savait de quoi il retournait, ou du moins, il savait à quoi elle faisait référence. Lui aussi avait lu le journal local, interprétant les différentes récentes attaques. Le ton qu’elle avait mis pourtant lui faisait peur, baisser la voix jusqu’à murmurer, ne pas vouloir déranger les autres personnes dans leur petit monde. Le frisson lui parcourut le dos, une espèce de courant descendant le long de sa colonne. Et maintenant qu’il y pensait, ses jambes et ses bras décidèrent d’être de la partie. Ce n’était pas le regard paniqué qu’il capta, mais un peu d’inquiétude, de tourment qui ombragèrent ses yeux.
Sa dernière réplique le fit réfléchir, il avait pourtant cru qu’il n’y aurait pas de crime à Portland, enfin, moins que la moyenne générale. Mais si la ville devenait le foyer de nombreuses attaques, il ne serait plus serein de sortir en ville, il ne serait pas simple d’aller faire simplement un tour au parc. Un climat de terreur régnerait sur la ville, ça serait la montée de la violence, des extrémismes. De la pression descendrait sur eux, chacun s’épiant derrière les rideaux tendus.
« Oui, je vois ce que tu veux dire. Mais il ne faut pas laisser ça assombrir nos journées, ça ne serait que rendre service à la tension qui risquerait de s’installer et d’augmenter les risques d’une telle situation. Prends donc un peu de thé pendant que je te laisse commencer les premières pages. J’ai deux trois pâtes à aller préparer ! Au fait, je te les ferai goûter, je vais m’essayer dans le salé, on sait jamais pendant une pause du midi, si les gens veulent venir se détendre dans un bouquin, ça pourrait marcher ! »
Donner à manger aux gens était aussi plaisant pour Phil que de donner envie de lire. Surtout si les personnes prenaient plaisir aux deux.
« Et vraiment, pour cette histoire, ne te tracasse pas, je ne pense pas que quelqu’un veuille vraiment attenter à ta santé. Au pire du pire, si vraiment tu as besoin, tu peux toujours demander à quelqu’un de ta connaissance de venir te ramener chez toi ou lui demander de te déplacer avec lui. » Il lui accorda un sourire bienveillant et prit le plateau maintenant vide de son cookie et repartit vers la cuisine en se dandinant légèrement, essayant par son mouvement de hanche très peu naturel de remettre un peu de joie dans le monde de Lucy.